Sur le besoin d'avoir une stratégie

Instagram ne propose pas toujours que des vidéos de chiens rigolos ou de gens qui tartinent de la chantilly sur leurs pare-brises avant de conduire. Parfois, l'algorithme est plus éclairé dans ses choix. Un récent exemple est sa suggestion de vidéos de Pomplamoose, groupe américain principalement connu pour ses mash-ups (mélange de plusieurs morceaux en un seul). C'est aussi le groupe de Jack Conte, qui est le fondateur de Patreon.

En creusant un peu, je tombe sur cette vidéo de Jack Conte qui - pour vous la résumer - explique qu'il est impératif que les musiciens trouvent un moyen de se faire payer pour ce qu'ils font. S'il semble enfoncer des portes ouvertes, il est en réalité bien plus important de le rappeler qu'il n'y parait. En effet, mon métier de graphiste m'a donné à plusieurs reprise l'occasion d'entendre le discours qui veut que "comme j'ai fait de ma passion un métier, la question de l'argent est secondaire". Sous-entendu, là où il y a du plaisir, il n'y a pas besoin d'être rémunéré.

Et c'est vrai, qu'à la base, refaire de la musique nous permettait de caresser l'espoir d'une sortie de nos modèles professionnels quotidiens, du "business", et de simplement se reconnecter avec nos enfants intérieurs, loin de considérations d'audience, de besoins de fond de roulement, d'investissements, de communication etc. Et la marmotte met le petit chocolat dans le papier d'alu.

Notre passé musical nous a en effet fait vivre la musique dans des conditions plutôt avancées. Et ces conditions professionnelles étaient - surprise ! - très agréables. Jouer sur de belles scènes, équipées, travailler avec un environnement de qualité, permettant de viser un certain niveau artistique... Pour retrouver ces conditions, il faut nous inscrire dans une démarche qui soit, elle aussi, professionnelle.

Souvenir d'enregistrement du premier album de Norma Peals. On était jeune et insouciant, à cette époque...

Le contexte n'est pas vraiment favorable. Tout le secteur a officiellement une étiquette de "non essentiel" depuis la-crise-dont-il-ne-faut-plus-prononcer-le-nom, la concurrence est démentielle (il fallait déjà 16.858.080 d'années à un auditeur en 2018 pour écouter tout le catalogue de Spotify), les conditions d'attribution des aides à la production se durcissent, des intelligences artificielles écrivent des morceaux à la demande, bref, un moment idéal pour se dire "Tiens, si on lançait un projet musical ?".

Cependant, n'importe quelle entrepreneuse ou entrepreneur vous dira la même chose: entreprendre, c'est difficile. Le mot est lâché: un projet musical (qui se veut un tantinet ambitieux) est une entreprise. Qui implique énormément d'autres activités que "simplement" écrire de la musique. Comme le rappelait Cédric lors de la formation "Artiste entrepreneur", un projet musical qui fonctionne, c'est 25% la musique, 25% l'image, 50% la promo.

Nous voilà donc en train de réfléchir à des stratégies de développement avant même d'avoir fini les titres de notre premier album. Album qui était à la base un EP, mais qui est devenu un album pour faciliter le travail des attachés de presse et affirmer la crédibilité du projet auprès de différents organismes. Pour avoir aussi plus de matière pour "occuper le terrain".

Est-ce qu'on fait des powerpoint ? Absolument.

Nous allons aussi investir dans du marketing digital. Avec différentes stratégies: faire connaître notre musique en espérant qu'elle plaise et que cela fasse grossir notre communauté, pour ensuite développer le streaming de nos titres, pour intéresser des playlists, puis des pros. Enfin, c'est une idée. Il n'y a aucune garantie, aucun chemin tout tracé. Le hasard a aussi sa carte à jouer.

Finalement, nous voulions nous éloigner de nos métiers quotidiens où nous réfléchissons déjà en terme de "stratégie commerciale" mais finalement, notre projet est un produit, sous un certain aspect. Une attachée de presse avec qui je discutais l'année dernière (et qui compte des artistes de renommée internationale dans son catalogue) me disait précisément: "ça va te choquer, mais ton projet je le regarde comme un produit. Je réfléchis à votre public cible, à la concurrence sur ce créneau, à comment vous différencier... Si j'ai du mal à trouver un positionnement clair et des leviers de communication clairs, je ne prends pas le projet...". Elle aurait parlé d'un gâteau à mettre en rayon de grande surface, les mots eurent été identiques.

Alors oui, ça déprime un peu. Voire même beaucoup. Mais les options suite à ce constat sont assez peu nombreuses. Une partie des règles sont là. Libre à nous de les suivre, d'essayer de les contourner, de les ignorer complètement. Mais a priori, il est toujours utile de les connaître.

Comment on fabrique un morceau, au fait ?

Disclaimer: évidemment, le titre est extrêmement trompeur. Il devrait être "Comment nous fabriquons un morceau". Mais là encore, ce ne serait pas forcément très juste puisque tous les morceaux ne sont pas fabriqués de la même manière. Pourquoi l'écrire alors ? Juste pour vous montrer les grandes étapes (démo - réalisation - mix - mastering) qui elles sont une constante dans notre processus. En tout cas pour ces premiers enregistrements.




Au commencement il n'y a pas le verbe, mais le MacBook

Etape 1: la démo

La première étape concerne généralement un de nous trois. La légende urbaine est vraie: on peut aujourd'hui composer un morceau entier avec un ordinateur (même pas hors de prix). Programmer les batteries, simuler des sons de cuivres, de guitares... Dans notre cas, nous avons en home studio de quoi enregistrer nos instruments (guitares, claviers, voix) et simuler ceux qui nous manquent.

Pour illustrer le processus, je vais prendre l'exemple de notre premier single, à savoir Riviera. L'idée de Riviera vient de moi, (Thibaut, ndlr), c'est plus facile pour en parler. Voici un morceau du morceau, à savoir la première version que j'ai envoyée aux deux autres pour leur proposer l'idée.


On constate déjà qu'on n'avait pas encore décidé de chanter en français et que l'arrangement est quasiment inexistant. L'idée est de présenter un couple "harmonie / mélodie" et éventuellement une ambiance.

C'est donc cette version très brute que j'envoie à Olivier pour qu'il y ajoute sa patte de bassiste. Cédric récupère les pistes, trouve d'autres sons de claviers, des mélodies, le tout dans la direction d'un morceau "balnéaire".

17 versions plus tard, voilà le résultat de la démo "finale", prête (selon nous) à être retravaillée.




Etape 2: la réalisation artistique

A ce moment-là, on a une grande partie des ingrédients - en tout cas les principaux. Les mélodies, l'harmonie, la structure, l'idée générale de l'arrangement (quel instrument joue quoi, les deuxième voix etc). Sauf qu'à ce moment-là aussi, on a entendu le morceau 267 fois, dans 25 versions différentes (#nojoke). Nous avons donc perdu toute objectivité, toute fraîcheur quand à la transformation de la démo à la version finale.

C'est là que le réalisateur artistique ("producer" aux US, alors qu'un "producteur" en France serait plutôt la personne morale ou physique qui paye les frais de production, mais je m'égare) intervient. Nous avons de notre côté la chance de travailler avec Martin Murer, un mec qu'on connait de l'époque de Norma Peals.

Au moment où nous cherchons quelqu'un pour nous aider, on découvre qu'il est devenu producteur et qu'il vient de travailler avec quelques jolis noms, mais plutôt rap et hip hop. Cet aspect nous intéresse, on se dit que cela va pouvoir enrichir notre musique, lui apporter d'autres influences. Bref, on le contacte, on lui fait écouter les démos, il est ok. Joie.

Le travail principal de Martin va consister (pour ce titre) à reprendre un peu la structure et alléger l'arrangement. Enlever des instruments, retravailler les sons pour leur donner de la profondeur. Et surtout, il va apporter une cohérence au morceau, un liant entre les différentes partie.

Ce qui est fou lorsque l'on écoute le morceau (nous, Puzzle) c'est qu'on retrouve tout ce qu'on lui a envoyé. Pourtant tout a changé.




On est sur autre chose que le MacBook

Etape 3: le mix

On récupère donc les pistes de Martin et je refais les voix. C'est toujours plus facile de faire d'enregistrer les voix définitives sur la version de Martin, qui a fini d'asseoir la bonne ambiance, la bonne structure... Bref, on se retrouve donc avec toutes nos pistes. Direction le mix.

Normalement, le mix consiste à récupérer les pistes du réalisateur et de les mélanger ("mix") ensemble. C'est simple dit comme ça, un peu moins dans la réalité. Il va s'agir de tailler les sons, de leur donner une place dans l'espace sonore afin qu'ils apportent ce qu'on veut qu'ils apportent.

Dans notre cas, on travaille avec Antoine, des studios Motorbass. Antoine ne se contente pas de mixer mais ajoute aussi sa patte de producteur, propose des idées de sons, de textures etc. Du coup, ça ajoute encore du caractère à l'histoire.




Difficile de faire le tour du Globe

Etape 4: le mastering

Last but not least, le mastering. C'est le procédé qui va permettre à ce que les titres sonnent de manière équivalente sur n'importe quel système audio. Que vous écoutiez le morceau en voiture, sur votre chaîne hifi ou vos AirPods, les niveaux des différents instruments devraient être équilibrés.

Le mastering va aussi retravailler l'espace stéréo, la dynamique etc. Clairement un travail de pro. Nous avons - encore une fois - de la chance, c'est Alexis et Lorenzo de Globe Audio Mastering à Bordeaux qui s'occupent de nous...



Si vous êtes arrivés à ce moment là du billet, je vous invite à réécouter le tout premier extrait, celui de la démo. Le chemin parcouru est - je crois - assez notable. Et encore, je vous passe les innombrables discussions et débat sur les notes, les pêches de batterie, les paroles... Je trouve fascinant de voir comment cette matière sonore peut évoluer. Les possibilités sont infinies et souvent le plus dur, c'est de s'arrêter.

Chercher à plaire ou ne pas chercher à plaire, telle est la question.

Profitant d'un dimanche à peu près calme, j'ai passé un moment avec ma fille ainée, qui me tannait depuis des lustres enregistrer un morceau. Au programme, une chanson très confidentielle d'une artiste qui l'est encore plus: "Bruxelles Je t'aime" d'Angèle. M'apercevant rapidement que la tonalité de base allait être trop grave pour la voix de ma fille, je décide de faire une version piano, pour laquelle je cherche donc les accords. Stupeur (et tremblements): le morceau tourne sur 4 accords, en boucle. Dm / G / C / F (ré mineur, sol majeur, do majeur, fa majeur) pendant 3'30.

Comme à chaque fois que je tombe sur des tubes radio avec ce genre de suite d'accords (les accords magiques qu'on nous ressort à toutes les sauces, comme dirait l'autre), une phase de questionnement s'enclenche quasi-immédiatement: faudrait-il simplifier nos morceaux ?

Quand je compose une chanson - quel que soit le point de départ, je finis irrémédiablement par chercher à amener une certaine complexité harmonique. Que ce soit avec des accords enrichis ou empruntés à d'autres gammes, avec des structures pas forcément classiques, je suis toujours un peu gêné quand la chanson se résume à 3 accords tout simples. La magie (pour moi) c'est de parvenir à créer des chansons populaires, dans lesquelles on entre facilement, mais qui ont aussi un intérêt théorique, musical.

Les Beatles en sont un excellent exemple. Réussir ce tour de force d'être un boys band repris par Brad Meldhau, c'est quelque chose. Pas plus tard qu'hier, je tombe sur l'excellent Rick Beato, un stakhanoviste de la théorie, citant "A Day in a Life" dans une vidéo pour montrer comment la théorie avancée peut servir la musicalité.

Aussi, quand je tombe sur Angèle, je me dis "pourquoi s'embêter ?" (poliment). D'ailleurs, avec Puzzle, un de nos objectifs est de se faire plaisir avant tout. J'ai payé assez de psy pour savoir qu'on ne plaira pas à tout le monde.

En outre, si les seuls musiciens reconnus devaient être ceux qui proposent des choses "techniques" ou qui en repoussent les limites comme un scientifique étend le champ de connaissance de son domaine, nous n'avons aucune chance. Entre les jazzmen, les musiciens classiques ou contemporains, nous n'avons en comparaison rien à apporter d'enrichissant à la musique en tant que champ de recherche.

Ce n'est d'ailleurs pas notre but. Nous avons pris le parti d'essayer de faire des chansons populaires, qui touchent des gens. Bêtement.

Seulement voilà, dans ce processus de développement de ce groupe, nous avons évidemment envoyé notre candidature à certains dispositifs d'accompagnement. La réponse qui revient le plus est - je résume - "c'est bien fait, c'est bien produit, ça fonctionne, mais c'est déjà un peu entendu".

Alors du coup ? On fait quoi ?

Est-ce qu'on veut "percer" ou simplement "se faire plaisir" ? Est-ce qu'on décide de ne tenir compte d'aucun avis en faisant ce qu'on a envie de faire ou on essaye quand même de respecter certaines règles quite à négocier un peu avec nos ambitions artistiques ? En parallèle de ces questions philosophiques se posent des contraintes très concrètes: on parle par exemple d'investir pour le premier disque quasiment 20 000€. Une belle somme pour simplement "se faire plaisir".

Je n'ai pas de réponse à cette question. J'écris ici un peu comme je réfléchirais à haute voix (ce qui est un peu le but de ce journal). Evidemment, si la réponse existe, j'imagine qu'elle doit être quelque part entre les deux.

Il y a d'ailleurs des morceaux voire des projets entiers, très commerciaux que je trouve absolument supers, et des choses très barrées - pourtant musicalement extrêmement intéressantes - que je trouve inécoutables. Impossible de ne pas mettre de subjectif là-dedans.

Je crois que nous allons simplement continuer à faire ce qui nous plait tout en étant prêt à faire les choses d'une manière qui favorisera le plus possible l'émergence du projet. L'essentiel étant probablement de rester fiers de ce qu'on produit. Capable d'écouter nos morceaux en se regardant dans la glace, en somme.

Et puis de toute façon, si ça ne marche pas, j'accompagnerai ma fille en tournée. Et comme vous demandez un extrait de ce qu'on a enregistré (si, si, je vous entends), en voilà un petit bout. Là, pas de doute, ni de subjectif, c'est super. Evidemment, c'est ma fille.

Reprise de "Bruxelles je t'aime" d'Angèle

"Encore un groupe de losers qui essaye de percer"

Je travaille le chant avec une coach extrêmement douée, qui en plus possède une riche expérience dans le milieu. Sans rentrer dans les détails, elle a vogué dans différents styles, passant de la scène du Zénith de Paris avec un groupe de métal à ceux des plateaux d'une fameuse émission d'M6 sans problème. Aujourd'hui entrepreneuse dans un domaine qui n'a rien à voir avec la musique, c'est ainsi qu'elle a qualifié notre flux Instagram il y a quelques jours: "on dirait le profil d'un énième groupe de losers qui essaye de percer".

Entendons-nous bien, cela partait d'une bonne intention et a été pris comme tel. J'y ai d'ailleurs répondu avec un grand éclat de rires. D'abord parce que j'étais heureux de voir que je pouvais compter sur son avis franc et direct, ensuite parce que je voyais exactement ce qu'elle voulait dire et que c'était, de fait, drôle.

Comme je l'ai dit lors du premier post de ce journal, je déteste les réseaux sociaux. Je n'aime pas l'addiction qu'ils provoquent, le monde qu'ils inventent ni les règles qu'ils imposent. Sauf qu'ils sont indispensables. Je n'ai en tout cas pas encore trouvé la bonne manière d'y échapper. Quoi qu'on en disent, ils offrent un moyen ultra rapide pour se créer une communauté.

Une fois la décision prise d'utiliser Instagram, j'ai donc voulu me renseigner sur les bonnes pratiques, les bonnes méthodes. Poster régulièrement, être sincère et partager un peu d'intimité (en tout cas ne pas se contenter de donner des infos factuelles), sont les 3 conseils qui semblaient revenir le plus souvent.

J'ai donc foncé sur Notion et commencé une liste de sujets sur lesquels je pouvais posté. Mon objectif avoué: pouvoir programmer un, deux, trois (soyons fou) mois de contenu en avance et oublier Instagram.

Liste de posts Instagram sur Notion
Je pensais être tranquille pendant un bon semestre... Sauf que ça fait du contenu que j'ai pas envie de partager et que de toute façon personne n'a vraiment envie de lire...

Résultat des courses: des posts à la qualité plutôt aléatoire, où j'ai fini par simplement partager des photos bateaux, ce que j'avais sous la main, simplement "pour poster" plutôt qu'avec un but éditorial précis, si je puis dire.

Je réalise bien qu'il va falloir finalement y accorder un peu (beaucoup) plus de temps et me creuser un peu la tête. M'ouvrir. Je parle à la première personne, mais les deux autres zigotos vont s'y mettre aussi.

Un long billet pour ne pas dire grand chose, j'en ai bien conscience, simplement parce que dans la pile de tâches qui m'attend, je n'avais pas réservé de temps à la création de réels. On en apprend tous les jours.

Bon depuis, j'essaye de faire les choses bien mais je vous laisse juger le feed directement. Et si vous voulez nous donner des idées sur ce que vous aimeriez voir (parce qu'en réalité, on en a aucune), n'hésitez pas à commenter ou à nous contacter par mail. On sera RA-VIS. D'avance merci...

Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage

La magie d'Internet (est-ce que cette expression est déjà désuète ? C'est possible.) nous permet d'avancer sur ce projet sans habiter encore dans la même ville. Pour le moment, l'un vit à Nancy, l'autre à Lyon et le dernier dans le fin fond de l'Alsace. Pas de problème a priori, sauf quand on veut travailler le live. Là, c'est une autre histoire.

A l'époque de NORMA PEALS, nous vivions quasiment tous à Nancy et pouvions donc répéter autant que bon nous semblait. Nous avons principalement fait de grosses sessions avant le studio, qui nous forcé à tellement décortiquer les morceaux que nous connaissions nos parties sur le bout des doigts en en sortant. Ajoutez à cela une grosse série de concerts, nous pouvions à la fin jouer le set avec les yeux fermés, une main dans le dos et 1 gramme d'alcool dans le sang (en réalité, nous n'avons vraiment testé que la dernière option).

Pour ce projet, nous pensions au début que l'expérience acquise avec Norma nous permettrait de rapidement être capable de jouer nos morceaux de manière correcte. Erreur. Pas mal de choses changent avec ce projet et il nous faut un certain temps d'adaptation.

Déjà, nous jouons désormais une musique un peu plus produite. La batterie sort de l'ordi, pas mal de claviers et des boucles de voix (backing principalement) aussi. Nous devons donc se faire à ce son, à cette sensation plus froide, comparée au fait d'avoir un batteur en chair et en os qui fait du vent avec ses bras. Le nôtre (coucou Loïc) en faisait d'ailleurs beaucoup puisqu'il frappait vraiment fort (c'est un compliment) et dansait littéralement derrière ses tambours (et c'était numéro #1).

Thibaut de Puzzle
Thibaut de Puzzle en train de faire un selfie avec les instruments de musique du groupe

En parallèle, nous devons apprendre de nouveaux rôles. Je me retrouve beaucoup derrière les claviers (qui ont beaucoup de touches) pendant que Cédric prend la guitare de temps à autre. Olivier quand à lui se retrouve plein centre sur scène, avec l'espace à occuper quand Cédric et moi sommes tous les deux collés aux claviers. Ce sont vraiment des changements à dompter, à apprivoiser. De nouveaux costumes à enfiler, de nouvelles chorégraphies à intégrer.

Notre problème géographique ne facilite bien sûr pas les choses. En attendant que deux d'entre nous ne se retrouvent à Nancy de manière permanente (ce qui ne devrait pas tarder), il nous faut optimiser le temps que nous passons ensemble. Ce qui empêche de faire des sessions courtes et rapprochées, qui nous permettraient de bien assimiler les différents changements, les micro ajustements que nous mettons en place à chaque fois. Là encore, nous sommes rattrapés par l'injonction de productivité qui flotte dans l'air, à vouloir aller le plus vite possible...

Cédric et Olivier de Puzzle en pleine répétition du groupe à l'Autre Canal de Nancy

Après un an à avoir travaillé ensemble, on sent déjà une nette amélioration, bien sûr. La répétition de ce weekend est la première où nous avons commencé à sentir que les morceaux commencent à être bien intégrés, que nous commençons à les posséder vraiment et que nous avons dépassé le stade où chacun essaye de jouer une partition sans se tromper. Un vrai kif.

En revanche, les limites de ce travail apparaissent. Il va maintenant falloir jouer en live, dans des conditions aléatoires pour rentrer tout ça dans les doigts, dans la tête et dans le coeur (je ne pouvais pas ne pas la faire). On a plutôt hâte. Bien sûr, on aura un peu peur. Mais on ira. Vivement.

Le groupe Puzzle en répétition à l'Autre Canal de Nancy

Sortie digitale / sortie physique, quand le serpent se mord la queue

Quand les Beatles sortaient un disque, il sortaient littéralement un disque. Il s'agissait de mettre un nouveau disque, cet objet physique, dans les bacs, physiques aussi, de boutiques de disques (toujours physiques). Si aujourd'hui, il existe toujours des magasins physiques qui vendent des objets rond avec de la musique gravée dessus, la majeure partie des écoutes se fait en streaming. Donc sortir un disque aujourd'hui, c'est éventuellement fabriquer un objet mais aussi et surtout rendre les morceaux du disque disponible sur différentes plateformes - Spotify, Deezer, Apple Music pour ne citer que les plus connues.

Merci Capitaine Obvious, vous dites-vous. Pourquoi je parle de ça ? Pour vous raconter le problème de dynamique que ça génère dans un projet musical. La logique de la distribution physique, et donc de sortir un objet, implique pas mal de coûts en sus de la création. Il faut presser l'objet, fabriquer les livrets qui accompagnent ces objets, donc les designer. Il faut trouver un distributeur qui a accès aux canaux de distributions (on ne rentre pas à la FNAC ou chez Amazon avec son sac à dos remplis de disques). Donc pour rentabiliser tout ça, il est difficile de faire un nouveau disque tous les 3 mois, et il est ainsi préférable d'optimiser le processus en mettant un certain nombres de titres sur la galette (ou la cassette, ça revient. Si, si.)

La logique de la distribution numérique est bien différente. Si je le souhaite, je peux demain mettre en ligne un nouveau morceau sur Spotify, que j'aurai produit tout seul sur mon Macbook, en prenant une image sur Unsplah et en payant un aggregateur 15€ par an. Et je peux faire ça tous les jours. Et c'est peut-être une bonne stratégie. Avec les 40 000 nouveaux morceaux par jours publiés sur les plateformes, occuper l'espace peut être une idée intéressante.

Alors comment on fait quand, comme nous, on est un peu plus classique d'envisager la création d'un album. Qu'accessoirement, on considère qu'un disque est une oeuvre à part entière avec une intention cohérente ? Comment jongler avec ces deux dynamiques différentes ? Aucune idée.

On pourrait se dire: "pourquoi faire presser des disques en fait, autant rester sur du 100% digital !". En effet. Sauf qu'encore aujourd'hui, l'économie de la production phonographique passe par l'utilisation de financements de société de producteurs (type SPPF ou SCPP par exemple) . Pour accéder à ces financements, il faut présenter des dossiers dont la plupart demandent des contrats de distribution physique. Je suis actuellement en train de préparer le dossier SPPF pour l'EP, il a fallu que je trouve un distributeur physique. Et le distributeur physique, il veut quoi ? Des disques en réserve. Physiques.

Je pensais à ça ce matin en train de dessiner la pochette du CD 2 titres (ça rappelle des souvenirs). Pourquoi un 2 titres si c'est déjà galère de faire un disque complet ? Parce qu'en réalité, j'aime l'objet "disque". Je trouve ça super de catalyser sous une forme concrète tant de travail, de questions, d'envie. Il boucle une boucle. Donc dans un sens, je suis content de devoir le faire.

Voilà plusieurs sujets qui entourent la vie de ce projet où je constate à quel point il faut être schizophrène. Mais c'est aussi ce qui fait un peu le charme de la chose. Enfin j'espère.

Comment choisir les titres à mettre sur notre disque ?

Même si l'EP de 6 titres ne doit sortir que dans un an, il va en réalité falloir qu'on choisisse rapidement les titres qui y figureront. Et c'est loin d'être évident.

Pourquoi les choisir si tôt déjà ? Le retro planning fait encore sa loi. La promotion a besoin des morceaux et du disque quasi final pour l'envoyer au media 2 à 3 mois avant la sortie. Avant ça, il faut (dans l'ordre inverse) presser les disques, le masteriser, mixer les titres, les produire, les réaliser, (ré)enregistrer les pistes qui ne sont pas tops (les voix, souvent) et au début du processus, choisir les titres.

Nous avons déjà choisi les 2 singles, qui sont quasiment mixés, mais avons maintenant 7 titres que nous estimons "valables". Mais impossible d'avoir le recul nécessaire pour en éliminer 3. Chacun de nous a une histoire particulière avec chacune des démos. Une phrase, un son, un plan rythmique, il est humainement impensable d'être d'une quelconque objectivité.

Du coup, on a demandé à quelques personnes de nous donner leur avis. Des musiciens et gens qui travaillent dans le milieu d'un côté, et des gens "grand public" (aucun jugement de valeur, simplement des personnes qui ne sont pas forcément passionnées par la musique) de l'autre. Le résultat est assez fou.

Nous pensions savoir quels morceaux seraient choisis, nous ne pouvions nous tromper davantage. Au moment où je vous écris, nous avons eu 10 réponses "grand public", 9 ont choisi un titre qu'on a carrément hésité à mettre dans les 7... Et nous venons par contre d'avoir un retour pro qui propose la sélection à laquelle nous pensions de prime abord.

Tout ça me laisse songeur, et me fascine quelque part. Je me demande comment on écoute une chanson quand on ne fait pas attention au son son de caisse claire, à la texture des synthés, à la suite d'accord, au réglage de la compression... Je suis presque un peu envieux de cette possibilité d'envisager l'écoute d'un morceau pour ce qu'il est, un morceau de musique.

Cela me laisse aussi songeur sur la manière dont s'organise la diffusion de la musique. Avec 40 000 nouveaux titres par jours sur les plateformes, il est évidemment impossible de tout entendre, et donc certains jouent le rôle de curateurs pour le reste. Programmateurs, media, algorithmes choisissent ce qui aura une chance d'être entendu ou pas. L'histoire classique du tube radio qui passe tellement qu'il s'imprime dans le cerveau à tel point qu'on ne sait plus très bien s'il a du succès parce qu'il a été diffusé x milliers de fois ou s'il a été diffusé x milliers de fois parce qu'il est super, ce morceau. L'oeuf ou la poule, somme toute.

Bref, je ne veux surtout pas servir le couplet réchauffé du musicien frustré et maudit qui n'a pas eu la chance d'être bombardé sur NRJ. Si les meilleurs musiciens (au sens théorique, technique du terme) devaient occuper tout l'espace, nous n'écouterions probablement que des choses complètement barrées. C'est juste une reflexion qui me fascine.

Toujours est-il qu'au jour d'aujourd'hui (laissez moi rêver avec mes pléonasmes), on ne sait pas encore ce qu'on va choisir, si on doit suivre la vox populi ou l'avis des musiciens. On verra bien, ça fera un sujet pour un prochain billet....

25% la musique, 25% l'image, 50% la promo

Mon processus de gestion par défaut de n'importe quel élément comportant une référence au CPF est un envoi direct et vigoureux vers la poubelle. Toute règle comportant son exception, j'ai lu UN mail y faisant référence: celui venant de Cédric, qui organise la formation TEMPO, pour "artiste entrepreneur".

J'ai un peu tendance à croire que le hasard fait bien les choses. Loin de moi l'envie de lancer un interminable débat sur les biais cognitifs ou le sens de la vie (ce sera pour plus tard) toujours est-il qu'alors que nous commençons à nous dire, en juin dernier, que "finalement ce serait peut-être pas mal d'essayer de faire quelque chose de nos morceaux", je reçois un mail de cette formation me disant qu'elle est désormais finançable par le CPF. Le pitch de la formation: "Comment développer une carrière d'artiste économiquement viable ?". Mon solde CPF: pile-poil le montant de la formation. Et le hasard ne ferait pas bien les choses ?

La formation se déroule à Paris, sur 3 jours, et permet au groupe présent de rencontrer pendant une demi-journée chacun un•e acteur•rice d'un pan de l'industrie musicale. Tournée, Edition, Management, Promotion (Presse / Distribution), Production et Organismes (T.E.M.P(.P).O, vous l'avez ?). Après 5 années à avoir touché à pas mal de choses avec Norma Peals, je pensais connaître le milieu et ses rouages. Erreur.

Cédric, l'organisateur et chef d'orchestre de la formation, nous accueille avec cette phrase "un projet musical qui fonctionne, c'est 25% la musique, 25% l'image et 50% la promotion, à moins d'être Michael Jackson ou Angèle." Coup de froid dans l'assemblée. Comme je n'ai pas 4 frères et ne suis pas belge, je suis coincé, je vais devoir jouer avec l'équation annoncée.

Je ne vais pas m'étendre dans ce billet sur la formation en elle-même (que par ailleurs je vous recommande fortement si vous êtes un tantinet soit peu intéressé par le fait d'évoluer dans le domaine de la musique) mais c'est pour vous dire que la vie d'un groupe en développement passe finalement autant - voire presque plus - parce qu'il se passe autour de la musique que de sa création en elle-même. Bien ou mal, je ne suis pas là pour juger. Et quand bien même, ce que j'en pense intéresse ma mère, à la limite, mais c'est tout.

(oui, c'est moi)

C'est aussi pour ça qu'on voulait créer ce journal. Pour vous raconter comment on vit les choses au quotidien, de l'intérieur, sur tous les domaines auxquels on touche. Et ça parle presque plus de dossiers de subventions, de positionnement marketing, de quoi poster sur Instagram que de quel ampli choisir pour le refrain de Riviera... Encore une fois, triste ou pas triste, là n'est pas la question.

D'ailleurs, je vous laisse, j'ai justement un dossier à remplir pour faire partie d'un catalogue d'artistes à faire tourner dans le Grand Est...

Norma Peals, l'ex dont on est toujours un peu amoureux

Comment donner un peu de contexte à ce nouveau projet sans parler de Norma Peals. Parce que bien sûr, parler de "nouveau" projet, c'est supposer qu'il y en a un ancien. En l'occurence, l'ancien projet, c'est Norma Peals.

Norma Peals, dont nous faisions partie tous les trois, était un groupe electro rock qui a existé entre 2008 et 2012 (les historiens se disputent sur la date réelle de fin). Nous avons connu pas mal de choses avec ce groupe: plus d'une centaine de concerts, des scènes partagées avec des groupes "connus" (BB Brunes, Shaka Punk, Puggy, Nada Surf, Mademoiselle K), des mini tournées en France, en Allemagne, en Belgique, l'enregistrement d'un album dans un vrai studio, comme dans les documentaires qu'on regardait quand on rêvait de faire ça...

On a même eu la chance d'avoir un de nos morceaux utilisé comme générique d'une émission sur France 2 pendant un an (Planète Musique Mag, présentée par Thomas VDB, mais il est normal que vous ne vous en rappeliez plus, l'émission a eu un succès plus que relatif). Autant ça a généré des droits SACEM, autant niveau notoriété, il aurait mieux valu qu'on nous prenne pour une pub Royal Canin (quoique j'en sais rien, en fait, faudrait demander à ceux qui ont été pris pour la pub en question).

Je ne peux évidemment pas parler de ce projet au nom des cinq membres qui le composait, mais en ce qui me concerne je me rappelle de cette expérience comme on se souvient d'une ex (ou d'un ex, j'imagine que ça marche aussi) avec qui on a cru qu'on allait finir sa vie. Des moments fous, des pics d'adrénaline à jouer devant des milliers de personne (j'exagère mais il nous est arrivé de jouer devant un millier de personnes), d'avoir comme seul objectif de prendre le camion et de traverser la France pour jouer 40 minutes... Et en même temps, des moments difficiles, où les choses ne se passent pas comme prévu, où tu attends des retours qui n'arrivent jamais, où tu dors dans le camion à -5°C avec un des cinq autres parce que la chambre où tu étais sensé dormir est occupée par le gars qui t'a programmé et qui a décidé d'utiliser la chambre en question pour passer un moment avec son frère une nana du public (true story)...

Bref, chacun a probablement sa version de pourquoi nous avons arrêté. De mon côté, comme quand ça se termine avec quelqu'un que tu pensais faire partie de ta vie pour toujours, ça reste un peu flou. Je me souviens juste que la lassitude avait pris le dessus. Que le plaisir de jouer avait été surpassé par la flemme de porter des amplis et des toms basse devenus trop lourds. Que j'avais du mal à dormir dans les Formule 1. Accessoirement, j'avais aussi des envies de famille et je voyais mal comment concilier la musique, ses emplois du temps et ses revenus sporadiques avec un enfant (je me trompais sur ce point, mais c'est une autre histoire).

Toujours est-il que 10 ans plus tard, je ne me souviens que des bons moments et réécoute notre album avec une oreille attendrie. D'ailleurs on a fini par le mettre en ligne sur les plateformes, je vous le mets en-dessous. C'est chouette, quand même.

"Norma Peals" par Norma Peals - 2011

Crédit photo ©Chloé Lapeyssonie