Sortir un disque ou l'éloge de la patience

Une des choses qui m'a le plus marquée durant la formation Tempo, c'est à quel point il est nécessaire de penser un projet musical comme une boîte sort un produit. En 2023, monter un groupe ou une start up, même combat. Ou presque.

Avec Norma Peals, nous avons fait les choses simplement: composition, répétitions, studio, disque, fini. Pour notre premier (et unique) album, nous avons composé des démos sur nos ordis, puis les avons décortiquées et adaptées pour être capable de les jouer et enfin avons passé un mois en studio pour enregistrer les différentes parties. Une fois les prises en boîte, Yann (Klimezyk) a mixé, envoyé le master qu'on a livré au pressage. Une fois les cartons de disques reçus, on s'est logiquement dit "super, on peut dire qu'il sort la semaine prochaine". J'exagère, mais à peine.

Evidemment, on avait hâte. Envie de faire écouter ces morceaux tout beaux au monde entier. Grossière erreur. D'ailleurs, personne n'a su qu'on avait fait un album et la première chose que l'entourage professionnel qui nous a rejoint ensuite a fait a été de choisir 4 morceaux de ce disque pour en faire un EP à sortir un an plus tard...

Avec Puzzle, on découvre une autre manière de faire. Entre ces deux projets, nous avons tous les 3 eu des expériences professionnelles diverses et variées, et avons notamment baigné dans la gestion de projet. Qui dit gestion de projet, dit "retroplanning". Et, surprise, sortir* un disque demande aussi un retroplanning.

Partons du jour de la sortie, et partons du principe que la production du disque ait coûté quelques sous. Pour éviter que cet investissement ne soit de l'argent jeté au vent en espérant qu'il ne pousse, il est préférable de préparer cette sortie en amont, avec un•e attaché•e de presse par exemple. Pour que ce soit efficace, elle ou il va avoir besoin de 2 à 3 mois avant la sortie pour présenter le disque, relancer les medias. Sachant que le mieux, c'est de sortir des singles des mois avant pour préparer le terrain...

Donc il faut que le disque soit prêt, et les éventuels clips qui s'y rapportent, 3 mois avant la sortie du premier single. S'il y en a deux, il faut éviter de les sortir trop proches l'un de l'autre pour ne pas saouler les gens... Je ne parlerai même pas des dossiers de demandes d'aides à la création qui doivent être soumis avant que ne commence l'enregistrement. Ni du temps nécessaire à l'arrangeur, au mixeur, pour travailler.

Bref, tout ça pour dire que notre EP 6 titres ne sort qu'en février 2024 (oui, dans un an et 2 mois au moment où j'écris) alors que je viens d'écrire, juste avant ce billet, un modèle explicatif pour demander à certaines personnes de nous aider à choisir les morceaux à mettre sur l'EP. Mais paradoxalement, il y a une espèce de plaisir à faire les choses dans le temps long et dans la préparation. Je me demande un peu comment nous gérerons le fait qu'au moment où le disque "sortira", cela fera un an qu'on en pourra plus de l'entendre mais c'est une autre histoire. Je vous raconterai.

*Accordons-nous sur le fait que "sortir" fasse référence à "rendre disponible sur les plateformes de streaming" ou "mettre un disque dans les (rares) bacs (qu'il reste) #boomer.