Je ne suis pas un chanteur. Enfin pas comme celles et ceux à qui on demandait tout petits de chanter quelque chose au dessert, ou dont on dit qu'ils ont "une voix". J'ai toujours trouvé ça un peu stupide comme expression, d'ailleurs, puisque finalement à partir du moment où on parle, on a une voix. Mais c'est probablement de la jalousie.
Ma carrière de chanteur a commencé avec Norma Peals. Mais plutôt par défaut que par choix. Vince aurait tout aussi bien pu être le chanteur du groupe, mais comme il était bien meilleur guitariste que moi, il a pris la guitare lead, j'ai récupéré le chant. Très vite, le constat fut implacable: il fallait que je prenne des cours de chant.
J'ai alors eu la chance de rencontrer Lussi, que vous connaissez si vous étiez fan de métal pendant les années 2000 puisqu'elle était la chanteuse du groupe MyPollux ou si vous suiviez la Nouvelle Star en 2010. J'ai découvert que le chant était un instrument, avec des techniques à maitriser et tutti quanti. Mais je dois bien avouer qu'à l'époque, j'étais surtout intéressé par la façon de mettre du eyeliner et le dosage du gin tonic plutôt que par l'idée de travailler vraiment cet instrument.
Dix ans plus tard, avec ce nouveau projet qu'est Puzzle, les choses sont bien différentes. Au moment où nous nous sommes dit que nous voulions faire quelque chose de plutôt sérieux, recontacter Lussi a été une évidence. Et à bientôt 40 ans, je constate que ces cours de chant ressemblent bien plus à mes séances chez la psy qu'à des leçons de solfège. Et c'est cool. Hyper cool.
Pour enfoncer une porte ouverte, rappelons qu'a priori on chante en public pour provoquer une émotion chez son auditrice ou son auditeur (ou son chat). Sinon, autant chanter sous la douche et s'épargner des sueurs froides. Regardez les pauvres diables et diablesses tenter de retourner des fauteuils dans The Voice. De susciter une émotion assez forte qui fera enfoncer un bumper rouge. Paradoxalement, je constate d'ailleurs que ce sont les candidats qui ont le plus de fragilités qui me touchent le plus. Les voix fluettes perdues entre 2 sosies de Cristina Aguilera et 3 de Céline Dion.
Pourtant, en permanence, j'essaie de chanter fort, de faire des trucs impressionnants. J'aimerais bien être un monstre de technique. Qu'on dise "Ah ouais, ça chante grave". Parce qu'une partie de moi pense toujours que c'est en en faisant des caisses qu'on fait dire ça. Lussi me dit souvent que c'est pourtant la fragilité qui fait la beauté de la chose. Et j'en suis convaincu aussi. Mais voilà le paradoxe, il n'est pas évident du tout de ne pas essayer de cacher ses failles.
Parce que oui, chanter, c'est se mettre à poil. Le corps se met en action mais la tête aussi. La tête, surtout. Beaucoup de choses se jouent au moment d'ouvrir la bouche, du conscient, de l'inconscient, ces vibrations en apparence anodines catalysent en réalité nombre de questions, de postures, d'idées préconçues, de peurs etc.
Alors il faut faire preuve d'humilité. Accepter ce qui sort. Accepter ce qui est. Sans se gargariser les jours où ça sort bien, ni se flageller ceux où ça ne marche pas. Essayer de comprendre ce qui s'est joué. Au fond. Et oser recommencer.