J'avais prévu de faire un article très sérieux sur "comment vivre de son art en 2023" suite à une conversation avec un copain. L'article est écrit depuis mercredi et au moment de le relire ce matin avant de cliquer sur "Publier", le constat fut implacable: c'est chiant.
Aussi, changement de braquet. A regarder l'écran blanc de ma page de blog, je me rends compte que j'ai plutôt envie de vous partager un peu mon ressenti, à 14 jours pile de la sortie de Riviera, notre premier single.
C'est un sentiment extrêmement étrange. Malgré tout le travail fourni, je sais pertinemment que c'est un non-évènement, à part pour nous. Grosso modo, hormis nos frères et soeurs et quelques amis - qui ont de toutes façons presque tous entendu une version quasi finie du morceau - personne ne nous attend.
Ce qui est normal. Mais cette posture de dire "notre single sort" me met dans un état psychologique particulier, moi dont le cerveau plus tout jeune a associé "sortir un disque" avec ce que font des artistes reconnus.
Cela dit, nous avons beaucoup travaillé pour arriver là. Pas pour être reconnus ou gagner des droits d'auteurs, non, simplement pour être crédibles. Notre premier objectif est là. Simplement de passer de l'état de "qui sont-ils ?" à celui d'un projet à écouter. Cela passe par une foule de micro détails qui demandent beaucoup plus de travail que ce à quoi on s'attendait.
Ces dernières semaines ont été consacrées au fait de combler des manques. Nous avons Dieu merci réussi à produire une série de titres dont nous sommes extrêmement fiers. Pas pour les raisons que j'aurais imaginées au départ d'ailleurs.
A l'origine, je pensais vouloir tout maîtriser, jauger chaque choix artistique, tester mille possibilités pour chaque son. Finalement, ce qui me rend le plus heureux est au contraire de s'être entourés d'autres artistes qui ont clairement mis leurs pattes sur nos morceaux. Entre les démos et ce que Martin puis Antoine ont fait, les morceaux nous ont un peu échappé. Dans le bon sens du terme. Je continue de les écouter en étant un peu surpris et en me disant "c'est fou que ce soit nous".
Bref, je parlais donc de combler des manques. Car oui, nous sommes très fiers de nos morceaux et voulons donc leur donner la meilleure chance possible. Il nous fallait donc des photos de presse, des live sessions, un clip, une stratégie de communication etc. Tout ça demande un investissement lourd, autant en termes de temps que d'argent.
Nous sommes toujours pris par nos vies personnelles, professionnelles et une logistique infernale qui fait du temps une denrée extrêmement rare. Nous conversons par vocaux ou messages, ce qui rend plus difficile des débats nuancés, des co-constructions, des moments de pause, pourtant si nécessaires. Nous devons être efficaces, pragmatiques. C'est en écrivant ces lignes que je me rends compte qu'il aurait été impossible de le faire avec d'autres personnes, d'ailleurs, tellement se comprendre au-delà des mots est critique.
Les photos de presse ont été finalisées hier, les derniers montages d'extraits de clip pour les pubs digitales avant-hier, j'entre dans la préparation des live sessions que nous tournerons dans deux semaines. Une to-do liste administrative constellée de mots ravissants tels que "valider avec le comptable", "impôts.gouv.fr" ou "URSSAFF" m'attend. Des réels et des posts à faire pour les réseaux sociaux sont au planning et une petite cinquantaine de mails doivent être envoyés.
Alors que je commençais à me demander si je n'étais pas en train de friser un léger surmenage et à m'énerver parce que je n'arrivais pas à réfléchir en entendant le générique de Yakari, nous avons appris la semaine dernière qu'une personne avec qui nous travaillions sur le disque nous a quittés, subitement. Comme un horrible clin d'oeil pour nous rappeler la fragilité de tout ça, que ce n'est pas si important. Ce n'est qu'une histoire de chansons, après tout.
Il y a un peu plus d'un an, je me disais vouloir refaire de la musique pour que mes filles voient leur père sur scène et comprennent qui il est vraiment, pour fêter mes 40 ans sur scène. Ce dernier point est peut-être manqué, mais lorsque je soufflerai mes bougies, nous aurons fait un pas de géant sur le chemin de la crédibilité. Et c'est bien plus impressionnant que ce que j'imaginais, il y a un peu plus d'un an.